LE BORGNERY

05-1[1]

Les bois de Loverval ou ces parties boisées qui leur sont assimilées, synonymes de promenades dominicales au cœur du Bois du Prince, découvrent, au hasard des chemins, leurs lieux de souvenirs.                         

Les évocations sont rares aujourd’hui, si ce n’est les commémorations du souvenir, discrètes mais toutefois notifiées d’un entrefilet dans la presse.

Pour ceux qui étaient au village dans les années quarante, certains événements immanquablement reviennent en mémoire, des impressions aussi claires que si ce fut hier.

Ainsi Borgnery.

Halte bienveillante à l’abri du grondement perpétuel de la Nationale 5, là où se mêlent les eaux capricieuses des ruisseaux  des Haies et de la Ferrée,  Borgnery étend ses pelouses au milieu des bois. Les flancs de la carrière recouverts de végétation, quelques rangées de sapins confèrent à l’endroit intimité et rassurance.

Les  promeneurs du dimanche en quête de calme y déballent leur pique-nique. L’envie vient vite de se coucher dans l’herbe et de fermer les yeux. Les rochers amnésiques invitent même à l’escalade, et si on lui tourne le dos, on peut très bien ne plus voir le monument fleuri.

Et pourtant.                                                           

Nous autres nés de la paix retrouvée, il est un bagage que nous portons en nous, immatériel et incertain, un mélange de souvenirs non vécus et de sentiments confusément amers.  Dont on garde ou non le poids de l’héritage.

La lassitude aussi se jouant de ces choses de la guerre dont des pans entiers de mémoire s’effondrent au fil des générations.

Serons-nous les derniers gardiens du souvenir ?

Borgnery est tel un mémorial. Des couronnes de fleurs ornent le monument d’entrée. Un chemin de gravier, une pelouse entretenue. Plus loin, la carrière abandonnée et au pied des roches verticales une base de pierres cimentées que surmonte un poteau. Évoquant les exécutions.

Souvent ils sont venus, les Allemands. Tuer des gens au cœur patriote qui n’avaient pas eu de chance. Dénoncés.

Les âmes solitaires arpentent les bois dont elles respectent les silences. Sous les grands arbres, au creux des sentiers,  se sont écrites des pages de Loverval. De Charleroi aussi. Des pages d’Histoire un peu trop petites que nul ne feuillette plus.

Un de ces matins- là de 42’, je me promenais sur le dessus de la carrière quand tout à coup j’ai compris que les camions étaient là.. Les tirs, je les entends encore. J’ai attendu là, caché, je ne sais combien de temps…puis, à la nuit tombée, j’ai couru à travers bois jusqu’à la maison.

Pour rentrer au Try d’Haies, il reste peu de chemins que l’Histoire n’ait volé.

Texte : Micheline Dufert (Copyright Sabam)

 

Rubrique de Micheline Dufert (textes) et Francis Pourcel (photos). Chaque mois, un texte ou un dossier élaboré à partir de souvenirs et d’anecdotes de Lovervalois sur leurs lieux de vie, sur le paysage, sur des images marquantes du passé proche ou lointain.

Déjà publiées dans « Le Petit Lovervalois »

« A la recherche de la mémoire »

  -Les cafés et guinguettes de 1900 à nos jours(en 2000)

  -Promenade sur les pas des aînés: sentiers et chemins balisés d’anecdotes.(en 2001)

  -Chroniques d’avant guerre 1900-1913 (en 2002)

  -Chroniques de guerre 1914-1918 (en 2003)

Publié sous forme de brochure

Louis Wuillem, peintre et musicien lovervalois.(en 2000)

(momentanément épuisé. Consultable à la bibliothèque.)

 

©Micheline Dufert-2003

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