CAFÉS ET GUINGUETTES DE LOVERVAL

En 2000, Micheline Dufert et Francis Pourcel ont publié dans « Le Petit Lovervalois » un dossier remarquable sur les cafés et les guinguettes de Loverval au 20ème siècle.
Vous trouverez ici la retranscription de leur travail et une carte Google reprenant les 25 (!) établissements de notre village.
Un seul est encore en exploitation à ce jour : le restaurant « La Cascade ».

 

C’est le tram 9 qui monte à Loverval… 

L’histoire des cafés et guinguettes de Loverval est liée à celle du tram 9 reliant Charleroi aux communes du Sud de la ville. La mise en service de cette ligne par la Société des Tramways Electriques du Pays de Charleroi en décembre 191 1 fut à I‘origine de l’attrait des carolorégiens pour Loverval. Les guinguettes de Dampremy et de Bosquetville, très en vogue à l’époque, périclitèrent au profit de ce village reculé, devenu si aisément accessible.
Loverval devint très vite le lieu préféré des familles les dimanches d’été et les jours fériés. Dans la foulée d’un dynamisme lié à l’exposition internationale, le Touring Club de Belgique édita des promenades pédestres autour de Charleroi, décrivant en long et en large cet «Eden aux portes de l’entre-Sambre et-Meuse ».
Ce sont des milliers de promeneurs, avides de bon air et de dépaysement, qui empruntent la ligne de tram 9 jusqu’au terminus de Couillet-Queue puis « montent » vers le Try-d’Haies, les bois ou le village.
« Au Try d’Haies, on entendait le brouhaha des promeneurs monter du bois », se souvient-on encore aujourd’hui. « ll y avait tellement de gens, certains jours, qu’il était difficile de traverser la rue du Calvaire » ! Tout ce monde déambulait bruyamment et les cafés et guinguettes ne désemplissaient pas.

En 1927, la création des Grands Lacs attira les amateurs de canotage et de natation ainsi que de nombreux promeneurs. Des cartes postales témoignent de cette époque où Loverval, avec ses guinguettes, son hôtel et sa pension de famille, était un lieu de villégiature apprécié.

La Fête de Saint-Hubert, début novembre, drainait également les foules. Des échoppes bordaient la route menant à l’église.

En 1933, la ligne de tram fut prolongée jusqu’au Try-d’Haies. « Quand un tram arrivait, on était sur le pied de guerre au Faisan Doré » se rappellent ceux qui y travaillaient. Ce fut l’occasion pour les promeneurs de pousser la promenade jusqu’à « Ma Campagne ».

D’années en années, les voyageurs du tram 9 assistèrent à la construction du lotissement du Chêniat, dont les villas, si originales, ne manquaient pas de faire rêver.

Le soir, les retours en tram vers la ville étaient pittoresques : « Les voyageurs cherchaient à monter dans les motrices et les remorques déjà pleines à craquer ! Il y en avait même sur les marchepieds et les pare-chocs du tram ! ».
Des contrôleurs de la société venaient surveiller les départs.
Dans l’affluence des retours, les horaires n’étaient plus respectés et les trams partaient au fur et à mesure.

Les cafés étaient des repères dans la géographie de Loverval. Si tous avaient leur clientèle (habitués du dimanche, ouvriers remontant de la ville, …), la plupart d’entre eux avaient leur spécificité au quotidien : certains cabaretiers étaient aussi épiciers ou fermiers, d’autres vendaient et livraient le charbon. Chez Pauline, on venait y consulter son mari qui était le guérisseur du village…
Lors des kermesses, des cafés étaient improvisés. Si on sortait tables et chaises sur la rue, il arrivait aussi qu’on serve la goutte au fond des cuisines.

Les cafés de la Chaussée de Charleroi à Philippeville offraient une halte bienvenue aux travailleurs qui, après leur journée, remontaient péniblement, à pied ou à bicyclette, vers Nalinnes et les villages du Sud de Charleroi. Ils s’arrêtaient alors chez Daniel, chez Blaimont, chez Mandine ou, plus loin, à Ma Campagne.

La Nationale 5 connut nombre d’aménagements. D’une chaussée à deux voies jusqu’aux années 70, elle devint ensuite une route à trois, puis à quatre bandes de circulation, s’adaptant au flux de voitures et de camions de plus en plus important. Les cyclistes se firent rares, les piétons également. Le légendaire tram 9 fit son dernier voyage le 30 juin 1972. L’autobus de la ligne 10 prit le relais.
Les bistrots de « Nationale », grâce à leur clientèle extérieure et de passage, furent les derniers cafés du Try-d’Haies.

De ces établissements, il ne reste souvent plus aucune trace.
Après la guerre, beaucoup de bistrots se mirent à péricliter. L’accession des familles à la voiture personnelle et aux congés payés eurent pour conséquence un désintérêt des promeneurs carolorégiens pour Loverval.
Durant les années 60, 70 et 80, le développement fulgurant du parc automobile et la diversité soudaine des loisirs eurent raison des derniers cafés.
Ces maisons jadis si fréquentées sont redevenues des habitations particulières, certains établissements ont été affectés à différents buts d’exploitations, d’autres encore ont été démolis.
Aujourd’hui, hormis les deux établissements saisonniers des Grands Lacs, un seul café est encore en activité Loverval. C’est le plus ancien d’entre eux tous, il est situé au « village », à la limite de Couillet : le Café-Restaurant de la Cascade

Remettre ces cafés dans la mémoire de tous, c’est porter à la lumière du présent les témoignages du passé et de l’évolution rapide de la localité.

A votre santé !

Le plan de Loverval ci-dessus indique les emplacements des 25 cafés, répertoriés de A à Y. Pour une meilleure lisibilité du plan, nous donnons des établissements les adresses actuelles, les noms des rues ayant souvent été modifiés.

Micheline et Francis Pourcel-Dufert

A – La Baraque de Planches (104, chaussée de Philippeville) :

Au début 20ème siècle, Joséphine Yernaux, épouse Blaimont, dite « Fine du Toquet », ancienne cuisinière de Wemer de Mérode, tenait ce café, sis sur un terrain appartenant au Comte.
On y débitait de la bière « al tonne » qui, tirée d’un tonneau et versée dans un marabout (cruche émaillée), était vendue 75 centimes la chope.
Cette maison a été démolie en avril 1936 afin de construire un nouvel établissement : la LAITERIE DE LA DREVE, café et station BP érigés et tenus par Julien Blaimont devenu propriétaire du terrain.
Ce café, loué à un tiers de 1949 à 1964, est devenu le CAFE DE LA DREVE. Un poste de télévision (il y en avait si peu alors) attirait Ia clientèle. Le café fut ensuite tenu par Marguerite Blaimont et avait la particularité de rester ouvert la nuit, pour les camionneurs de passage. Loué de 1984 à 1993, il a été remplacé jusqu’il y a peu par d’autres commerces.

B – Chez Mandine

Amandine Delescaille, épouse Charon, tenait ce café avec jeu de quilles dans les années 20 et 30. Le café de Mandine est devenu, sous les Dominicains qui occupaient la Villa Marbais, la Chapelle de Fatima (1947). (chaussée de Philippeville, à côté de la Villa Marbais, devenue « Chez Léon »)

C – Le café du Parc

Tenu par Jules Dufer, il s’agissait d’un café-hôtel-restaurant avec jardin d’agrément donnant sur la Charon. Fermé en 1920, le bâtiment sera acheté par Charles Marbais et transformé en villa, dans son état actuel, par l’architecte Marcel Leborgne en 1931. (rue du Village, 6)

D – Chez Daniel

Ce café de I ‘entre-deux-guerres, sis à l’angle de la Chaussée de Philippeville et de la rue du village, était tenu par Daniel Henseval et son épouse Marie Charon. L’animation musicale était : assurée à l’époque par une viole mécanique. L’établissement a laissé la place au bar Le Prince Baudouin, tenu entre 43 et 52 par Madame Carmen Michaux.
Plus tard, ce fut Madame Marie-Louise Quiroga qui reprit ce café rebaptisé « En Passant »
En 1966, le café prit le nom de « L’lnterdit », car il figurait sur la liste des cafés interdits aux militaires de Florennes. L’exploitation de cet établissement, tenu alors par Madame Edith Magny, cessa dans des circonstances peu banales : un camion fou termina sa course dans la façade par une belle soirée d’été. C’était le 23 juin 1980.

En mars 91, les travaux préliminaires du rond-point rayèrent du paysage ce qui restait de Ia maison ainsi que Ia partie attenante qui avait hébergé l’atelier de menuiserie de Daniel Henseval.

E – Le Jardin des Roses

Cette guinguette sur la Chaussée de Philippeville était une dépendance du café de Daniel Henseval.
On y servait la bière Cornélis. (Carte postale de 1918).

F – L’Etape

Cette maison fut construite en 1948 dans le but d’y installer un salon de thé. Ce projet n’a jamais connu le jour. Le bar qui le remplaça fut tenu par Madame Piérard de 1950 jusqu’à la fin des années 80.
Il fut un des derniers cafés du Try d’Haies avec le Café de la Drève. Devenu ensuite lors un restaurant : « Le Saint Germain des Prés », maintenant fermé. (Chaussée de Philippeville 62)

G – La Laiterie du Bois

Cet établissement était à l’origine un chalet construit en 1912 en lisière du bois de Loverval et dont les propriétaires étaient Messieurs Gillain, marchand de vin à Jumet, et Siebertz, hôteliel à Charleroi, propriétaire du « Faisan Doré » au Quai de Brabant, devenu par la suite l’Hôtel Siebertz.
Lors de I’Exposition lnternationale de Charleroi en 1911, MM.Siebertz et Gillain avaient inauguré dans un des pavillons un restaurant au nom de « Faisan Doré ». Des matériaux de ce pavillon ont été récupérés pour la construction du chalet de Loverval.

La Laiterie du Bois de Loverval devint un hôtel-restaurant des plus prisés de la région.
L’établissement avait une clientèle bourgeoise. ll existe de nombreuses cartes postales d’époque ainsi qu’une « Notice sur Loverval » éditée par la Laiterie du Bois en 1917.

 En 1925, l’établissement repris par Monsieur et Madame Lengelé fut rebaptisé « Le Faisan Doré »
Cet hôtel-restaurant organisait des banquets, recevait des associations de médecins ainsi que des vedettes de passage à Charleroi (on se souvient de Fernandel). (14, rue Charon)

H – Le Chalet Breton

Sis à I’angle de l’allée des Mésanges et de la rue Charon. Ce café fut tenu dans les années 35 à 45 par Arthur Leblanc

I – Le Jardin Fleuri

Dans les années 12 à 27, Monsieur et Madame Jules Gauniaux tenaient ce café-restaurant avec jeu de bouloir. Celui-ci était fréquenté notamment par I’Association des Verriers de Lodelinsart ainsi que par les acteurs du Cercle Wallon de Couillet qui y « montaient » après les représentations. Boisson la plus vendue : une gueuze de Charleroi.
 Service en terrasse, gloriettes, jeux pour enfants. Ce café changera de nom et deviendra : « Chez Nous », tenu par Monsieur et Madame Armand Namèche dans les années 30. Café avec jeu de bouloir. (6, allée des Mésanges)

J – Le Café Depasse

Fin du 19è' » siècle, les maisons 56 et 60 situées au coin de la rue du Village et de la rue du Calvaire ne formaient qu’une seule maison. Elle était occupée par Monsieur et Madame Delferrière-Charon qui tenaient une confiserie et un magasin d’aunages (tissus à la coupe). Leur fille, lda, épouse Louis Depasse, reprit la maison qui se transforma en café de village et ferme (l’étable se trouvait à l’emplacement de l’actuel N°56). Le café fut remis vers 1929. La vente de lait continua pendant quelques années. Différentes activités s’y succédèrent au fil des décennies : boucherie, salon de coiffure,…
Le bureau de Poste s’y installa dans les années 60. Depuis 1979, c’est un cabinet de dentistes.

K – Café de la Belle-Vue

Ce café, sis entre les actuels n’6 rue du Calvaire et N°5B Allée N-D de Grâce, avait été construit par un certain QUINET qui y installa une pension pour les vacanciers de la région. ll fut repris en 1921 par Oscar DELCOURT. Cet établissement était très fréquenté par les carolorégiens, surtout pour son parc d’agrément avec jeux pour enfants situé d’une part derrière la maison et, par ailleurs, de I ‘autre côté de la rue à I ‘emplacement actuel du N°17 de l’allée des Mésanges. On se souvient encore aujourd’hui d’un chanteur qui venait y chanter Ie Charleston en se déshabillant !
 La maison a été démolie en 1995

L – Au Pavillon

Ce café était tenu par Jules Colin entre les deux guerres. (58, allée Notre-Dame de Grâce)

M – Le Chalet du Prince

Devenu ensuite « Le Carlton » (bar) dans les années 30 à 45. Aujiurd’hui habitation particulière.
(40, allée Notre Dame de Grâce)

N – Le Chant des Oiseaux

Le café d’Arthur et Lucie Stivant. C’était le dernier bâtiment de la rue. Pour atteindre la route de Philippeville, il fallait passer le tourniquet et s’engager dans le sentier du bois devenu l’allée Notre-Dame de Grâce. (30, allée Notre-Dame de Grâce)

O – Le Café des Grands Lacs

En 1927 , à I’initiative du Comte de Mérode à qui le site appartenait, un chalet rustique fut construit en pierre du pays en bordure du lac nouvellement aménagé.
Le café, tenu successivement par madame Joseph Mingeot et monsieur Nopère, accueillait sur sa grande terrasse les nombreux promeneurs et baigneurs les dimanches d’été.

Un jeu de bouloir, des tennis et des jeux pour les enfants complétait l’équipement touristique de ce cadre enchanteur. En 1939, le site fut vendu à Ia commune de Marcinelle qui Ie réaménagea en Centre Social de Délassement
Dans les années 50, l’architecte Jacques Depelsenaire fut chargé de dessiner les bâtiments actuels. A la fin des années 60, un nouvel établissement vit le jour. MM. Maurice Lambrechts et Jules Deroux en furent les gérants. (Allée des Lacs, 1B)

P – Aux Templiers

Maison construite en 1939 à l’orée du Bois du Prince, à cheval sur les communes de Loverval et de Marcinelle.
Dès leur arrivée en 1954, après les aménagements réalisés par I ‘architecte Marcel Depelsenaire, les Tomson rebaptisèrent l’exploitation sous le nom de « La Forestière ». Les terrasses en paliers accueillaient des balançoires et autres jeux à la grande joie des enfants. Cinq personnes y travaillaient à la bonne saison pendant laquelle la clientèle venait y chercher, à quelques centaines de mètres des Grands Lacs, le calme, le dépaysement et I ‘atmosphère typique d’un établissement en plein bois. Cartes postales (dessins) de Marcel Depelsenaire. Devenu habitation particulière en 1970. (Allée des Templiers, 59)

Q – Le Relais d’Orléans (64, rue de la Ferrée)

Ouvert en avril 1948 par Joseph Orléans, ancien maître d’hôtel du Faisan Doré. Le Relais d’Orléans était avant tout un restaurant réputé. Aux beaux jours, la terrasse accueillait des promeneurs qui venaient y prendre un verre et déguster des glaces, mais aussi des crêpes, gaufres et tartes fabriquées dans Ia maison. Cet établissement était apprécié pour son cadre reposant. Joseph Orléans a remis le restaurant au milieu des années 60. Fermé définitivement dans les années 70, il est devenu depuis une habitation particulière.

R – Café Ma Campagne

Le café (et ferme jusque 1958) se trouvait à l’emplacement de I ‘entrée actuelle du bâtiment de la Société Nationale à Portefeuilles. Ce café était tenu entre les deux guerres par Camille Moyen, puis fut repris par sa fille Marguerite. A la bonne saison, la clientèle s’installait sous les gloriettes, de part et d’autre de la maison afin d’y déguster la gueuze accompagnée de tartines de maquée et de jambon fumé fabriqués dans la maison. Les animaux de basse-cour faisaient la joie des enfants. A I ‘époque, la clientèle familiale y montait à pied depuis le terminus. Plus tard, on y vint en voiture : commerçants revenant de la ville, promeneurs, clientèle de passage. Le café a été fermé en 1964 et la maison démolie en 1996. (rue de la Blanche-Borne)

S – Café Chez Julia

Tenu par Madame Julia « Duquatte » Eckers-Boulvain entre les deux guerres. Devenu une habitation particulière. (rue de la Blanche Borne, 5)

T – Café Communal

Dès le début du siècle, ce café fut tenu successivement par François et Augusta Maisin, M.Wathelet et enfin Madame Willems épouse Emile Baar. C’est à cette époque que s’ouvrit l’épicerie. On venait y acheter des glaces fabriquées dans la maison. Au beau temps, la clientèle s’installait sous les gloriettes à droite de la maison (aujourd’hui un garage). Monsieur et Madame Accola reprirent l’établissement en 1939. Et ce fut Chez Louisa (du prénom de madame, sœur du peintre Louis Wuillem).
Entre 1957 et 1962, le café fut repris par la Famille Lambot-Doucet et s’appela « Chez Jules et Renée »  qui en fit un café – épicerie.
En septembre 1962, le Café de Ia Place, café, épicerie et local du club de balle pelote, fut repris par monsieur et madame Albert Lebeau. Tenu ensuite par Mimie Devin en 71 et 72, il connut les premières réunions de la Marche Saint-Hubert créée en 1972. Devenu habitation particulière. (place Brasseur, 5

U – Café Delmarche

Le café occupait le rez-de-chaussée de la Maison Communale. La salle des mariages et les bureaux se trouvaient à l’étage. C’est aujourd’hui encore la Maison Communale annexe.

V – Ghez Dauwe

Dans les années 40, ce café était tenu par monsieur Charles Dauwe. (Place Brasseur, à côté du Monument)

W – Chez Pauline

Tenu par Pauline Poisman. Alexandre, l’époux de Pauline, était le guérisseur du village. Le café était fréquenté par les ouvriers de la carrière Solvay qui empruntaient le sentier à côté du café menant directement à la carrière. Jeu de quilles. Devenu habitation particulière. (Rue des Fiestaux, 12)

X – La Cascade

Existait déjà en 1914. Café-restaurant avec, à l’époque, un très grand jardin d’agrément tout proche de la Cascade du Bois du Moulin.
Le tenancier des années 30 fut monsieur Bertinchamps, échevin de Loverval. Ensuite, ce fut monsieur Moureau. Madame Elsa précéda les tenanciers actuels qui s’installèrent en 1985. ll s’agit de Franco Lamarca, décédé en 2019, et son fils Fabrizio. Nombreuses cartes postales de toutes époques. C’est le plus ancien café-restaurant de Loverval encore en activité. (Allée Saint-Hubert, 16)

Y – La Lanterne

Visible sur les cartes postales de la Cascade. Le café, qui existait déjà en 1918, possédait également un grand jardin d’agrément à l’arrière du bâtiment. Fut fermé à la fin des années 50. (Allée Saint-Hubert, 1B)

LES BRASSERIES

 

Au début du siècle, on ne compte pas moins de 90 brasseries dans le bassin de Charleroi.
Imaginez : 8 à Charleroi ville, 8 à Gilly, 13 à Jumet, 7 à Marchienne, 7 à Marcinelle,4 à Châtelet,2 à Chatelineau, 3 à Couillet, une à Loverval… sans les citer toutes !
ll s’agit de brasseries familiales, de coopératives, d’entreprises à part entière qui, grâce à des techniques élaborées et sûres, arrivent à maintenir un niveau de qualité égal.

Le Pays de Charleroi compte de nombreux marchands de bière, dont Cornélis est l’un des plus importants. Ces marchands s’approvisionnent dans diverses brasseries. Avec des moyens de fortune, ils mettent eux-mêmes la bière en bouteilles avant de la livrer.

En 1904, un concours est organisé afin de créer une bière de type « belge » de qualité supérieure (jusque-là, sa densité était trop faible) pour faire face à la concurrence des bières anglaises et allemandes.
En 1907, le nombre de brasseries atteint son maximum en Belgique : 3.387 brasseries pour 208 millions de tonnes brassées. La Belgique exporte 8.500 hectolitres, vers le Congo notamment. La brasserie Wielemans, fondée à Bruxelles en 1862, remporte un Grand Prix à l’exposition de Saint-Louis aux USA.
Nous sommes dans ce que les spécialistes appellent « l’âge d’or » de la brasserie, qui correspond à une double révolution : scientifique d’abord (c’est Ia mise en application des découvertes biologiques), technologique ensuite (avec le développement de la machine à vapeur et l’application du froid industriel).

Autour de la Brasserie s’est développée une foule de métiers : fabricants de fûts, de filtres à moûts, de machines frigorifiques, tonnellerie, malteries, verreries (la verrerie de Jumet était spécialisée dans la fabrication de bouteilles), marchands de bière, école de brasserie (La Louvière), sans compter le développement d’estaminets, de cafés, de buvettes…

 

A Loverval (où une brasserie seigneuriale existait déjà au 16ème siècle), Arthur Watillon, brasseur et bourgmestre, membre du Syndicat Carolorégien des Brasseurs, brasse depuis 1888 la Spéciale Saison, une bière de sa création. Lors des brassins, le quartier est imprégné de la bonne odeur du houblon. Les Lovervalois se procurent à la brasserie la levure de bière ainsi que la drèche, résidus d’orge, enlevée par brouette et étendue sur les jardins. Plus tard, pour le Centenaire de Ia Belgique, Watillon créera une bière de plus forte densité : la Royale Saint Hubert.
La guerre 40-45 mettra un terme à cette exploitation dont les bâtiments existent encore à l’actuelle rue … de la Brasserie

 

A Couillet, la Brasserie Bavery, située route de Châtelet, fournit de nombreux cafés et magasins. Sa bière est réputée, ses marques diverses.

La guerre 14-18 porte un coup mortel aux brasseries locales. Les Allemands procèdent d’autorité à leur centralisation. Suite à la mobilisation et à la réquisition du cuivre des cuves, plus de la moitié des brasseries belges disparaissent.
Avec la relance de I ‘après-guerre, les techniques évoluent, C’est l’apparition des centrifugeuses. Le procédé à fermentation basse gagne du terrain. L’industrie va supplanter l’artisanat. Des bières belges à forte densité sont créées et rivalisent avec les meilleures bières anglaises, allemandes et autrichiennes. Très vite, au cours de cette période de I ‘entre-deux-guerres, les questions de rentabilité prendront de plus en plus d’importance. Il s’avérera nécessaire de mécaniser au maximum, de s’associer ou de fusionner. En 1926, Artois lancera la Stella à grands renforts de publicité.

La seconde guerre mondiale verra la fin des brasseries locales et, avec elles, des syndicats régionaux. Avec l’éclatement des barrières douanières (Benelux en 1948, Marché Commun en 1957), c’est le début de I ‘internationalisation des groupes brassicoles. Les sombres années 70 porteront un coup terrible aux structures industrielles wallonnes. La crise, entraînant la fermeture d’usines métallurgiques et de charbonnages dans le bassin de Charleroi, ainsi que les bouleversements de société qui en découlent contribuent à faire péricliter nombre de débits de boissons (notamment ceux qui s’étaient ouverts près des usines). La crise sonnera le glas des dernières brasseries du bassin de Charleroi ‘. Les Ouvriers Réunis de Charleroi-Nord, créée en 1891 , la Brasserie des Alliés à Marchienne, créée en 1921 et Bavery à Couillet cessèrent en tant que telles en 1979. La seule ayant subsisté est l’Union à Jumet (Cuvée de l’Ermitage) reprise par le groupe Maes.

Trente ans plus tard, tandis que des groupes multinationaux (lnterbrew,…) contrôlent les plus grosses parts du marché, tout en distribuant divers produits (bière sans alcool, canettes, bières asiatiques et américaines), nombre de brasseries artisanales belges ont (re)trouvé leur voie, certaines affirmant leur caractère à I ‘exportation (telles les Trappistes), d’autres encore concentrant leur production sur plusieurs marques (la Bonne-Espérance et la Trappiste de Floreffe sont brassées à Quenast).

Par nostalgie, plaisir de la découverte ou recherche d’une plus grande authenticité, le public se tourne volontiers vers des bières locales et artisanales, comme la Charles-Quint à Walcourt.
Cette tendance encourage des groupements locaux, des comités de fêtes voire des syndicats d’initiative, à choisir un produit de brasserie artisanale en y apposant un nom qui se réfère à leur « coin de terre », affirmant d’une part une identité à laquelle pourront s’identifier les habitants, offrant d’autre part un trait d’union convivial entre ces habitants et les visiteurs.
A Gerpinnes, la bière « qui marche » (allusion aux Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse), c’est Ia Gerpinnoise, créée par le Syndicat d’Initiative de Gerpinnes.
A Loverval, c’est la Lovervaloise, la bière du Comité des Fêtes du Try d’Haies, créée lors des fêtes de I’Ascension 2000, qui était en vedette.

 

LES MARQUES

Longtemps, les marques de bière, de limonade ou de café ont laissé leur empreinte sur les façades latérales des établissements ou de maisons particulières. Les fameuses plaques publicitaires émaillées n’ont de cesse de nous faire rêver. Par la grâce des photographies et des cartes postales d’époque, les marques anciennes continuent de témoigner à travers le temps : les bières Cornélis au Jardin des Roses, les limonades Chevron du café de la Belle-Vue, les Bières du Moulin et Pax AIe chez Blaimont, Ekla chez Moyen…

Enfin, la mémoire collective ajoute à la légende : chez Gauniaux, c’est la gueuze de Charleroi qui connaissait le succès, partout on buvait le Stout le Bocq Wielemans dont la publicité orna longtemps les bancs du tram 9.
On servit aussi le pecco citron ainsi que la Verjus, boisson légère à base de raisin macéré dans du vin. La bière Grenier, la Spéciale Baf, l’Extra-Alliés abreuvaient les tablées familiales.

Comme nous le rappelle une ancienne tenancière, la plupart des débits de boissons étaient, comme aujourd’hui, liés par un contrat avec une brasserie. Cela déterminait donc la carte proposée. ll ne faut pas oublier non plus que la vente de boissons titrant plus de 18° d’alcool était interdite dans les cafés, les buvettes el les estaminets par la loi de 1919. Et les contrôleurs des accises passaient régulièrement… !

LA LEGENDE

C’était l’époque où les dimanches d’été se passaient sur les devantures des maisons, à se saluer et à converser sur les bancs jusque tard dans la soirée, I ‘intérêt touristique pour Loverval devant alimenter les conversations.
Les enfants du village auxquels on avait fait nombre de recommandations, ne pouvaient s’empêcher parfois de s’approcher des terrasses et d’observer la clientèle. Au Faisan Doré, si la jeunesse lovervaloise se retrouvait pour jouer aux quilles, au ping-pong, ou y tenir assemblée dans le grand bâtiment, elle frayait peu avec la clientèle du café-restaurant : « Les clients du Faisan Doré, c’était un autre monde ! » se souvient une Lovervaloise.
Au cours de ces recherches, nous avons reçu parfois certains noms de cafés que, par manque de recoupements crédibles, nous ne publions pas ici. Nous avons appris d’autre part que, lors de festivités, il arriva que I’on vit déployées tables et chaises, rue du Calvaire notamment. Et que I’on sortait les bouteilles des armoires. Quant à ce qu’on y buvait, çà, c’est une autre histoire…

Bibliographie :

  • « Loverval, Terre des Bois et des Eaux », ouvrage collectif écrit par les habitants (1981).
  • « L’évolution de la brasserie aux 19″ et 20″ siècles » – Ch, Fontaine de Ghelin.
  • « Les cafés, quelques jalons pour une étude future » – J.Liebin.
  • « L’histoire des brasseries du Pays de Charleroi » – Collection du docteur R.Desmet (1992).
  • « Le Livre d’Or de l’Exposition de Charleroi en 1911 » – Gustave Dreze.

Merci à tous ceux qui, par l’évocation de leurs souvenirs, la fourniture de documents, leurs encouragements, apportèrent leur contribution à ce travail :

Mesdames et Messieurs : Marguerite Blaimont, Nicole Boulanger, Fernande Breton, Huguette et Marthe Charon, le Comité des Fêtes du Try d’Haies, Anne-Marie Dandois, André Decamps, Frédéric Dufert, Maurice Duvivier, Paul Eloy, , Nelly Gaugniaux, Jeanine Gliszczynskl, Madame Joary-Baar, Michel Lambot, M. et Mme Albert Lebeau, Hélène Liesse, Alain Marchal, Jacqueline Marchal, Raymond Masset, Germaine Moyen, Claudine et Michel Monseur, Josette Orléans, Omar Pierquin, Jean-Claude et Martine Rivière, Willy Sohy, Jeanine Stillemant, Jacques Tomson, Josette Watillon, Jean et Jeanne Wuillem, sans oublier M.Willy Pourcel de la bibliothèque de l’UT à Charleroi.

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