Avant les travaux de rénovation
Si Loverval a gardé en son âme des racines villageoises, si le Try d’Haies est resté un quartier à nul autre pareil, vivant et convivial, c’est en grande partie grâce à cette ferme de la rue du Village. Humble et soumise au poids des ans, la vieille bâtisse sembla longtemps sortie d’un tableau de Van Gogh comme l’écrivit notre bibliothécaire Paul Eloy. Dans notre environnement résidentiel, elle fut et apparaît encore aux Lovervalois comme un dernier repère, procurant envers et contre tout, au Try d’Haies, une ultime parcelle de ruralité.
La ferme, au temps de nos aînés, était au centre de l’activité villageoise.
Au coeur même de ces murs, on découvre une histoire liée aux gens. Une histoire simple, où de générations en générations, le travail tient lieu de religion.
De cette chronique de la vie rurale à Loverval, nous sommes toujours à la recherche. En écrivant ce qui suit nous lançons un appel à toutes les mémoires afin de recueillir des traces de ce passé pas si lointain.
Au 19ème siècle, nous dit-on, dans ces murs épais de la ferme, il y aurait eu classe de garçons. Malheureusement, on ne sait rien de plus de cet épisode scolaire. En 1850, la propriété figure sur le Plan Popp, elle appartient aux Manesse. Ces derniers exerçaient la profession de débardeurs et transporteurs de bois.
En 1922, la ferme devient propriété de Guy Capart. Adelin Pierret l’ardennais s’installe à Loverval comme métayer des Capart. Par la suite, Il reprend l’exploitation pour son propre compte.
Dans l’entre deux guerres, nombreux sont ceux qui, à Loverval ainsi que dans les villages avoisinants, possèdent une ou plusieurs bêtes et font le commerce du lait.
La ferme de la rue du Village procure à elle seule tout ce qui est nécessaire aux familles : le lait, le fromage, les œufs, les tubercules et plants de pommes de terres réputés dans toute la région pour leur rendement. Ces pommes de terre, en provenance des Ardennes étaient acheminées par chemin de fer jusqu’à la gare des Hauchies. Adelin Pierret faisait également le commerce du charbon. Il rendait un précieux service en effectuant le ramassage des cendres de poêles qu’il chargeait dans un tombereau attelé à son cheval.
La ferme comportait à l’époque une seule pièce d’habitation. La poulie en façade est un vestige de ce que fut le fenil. » Il y avait des marchandises derrière toutes les portes : foin, paille, son, maïs, froment, avoine, farine, tout se vendait, y compris la fumier ! » raconte une ancienne employée
Adelin Pierret ouvrit par la suite une épicerie rue Charon et céda l’exploitation.
Les Durant succédèrent aux Pierret pendant 2 ans. Puis s’installa la famille Quinzin.
C’était il y a 40 ans. » A l’époque, en 60′, il y avait encore 3 ou 4 fermes au Try d’Haies, se souvient madame Quinzin, la plus importante étant celle du château, spécialisée dans l’activité laitière comme nous. A cette époque, ce sont les frigos à glace qui permettent de conserver les denrées. La glace était fournie par camions tous les deux jours. C’est déjà l’exploitation laitière dans les règles d’hygiène les plus strictes avec tout ce que cela implique d’aménagements pour la vieille bâtisse de la rue du Village.
La ferme Quinzin se développe et tourne avec ses 2 tracteurs sur 3 ha de terres. On conduit le bétail à ‘Ma Campagne’, dans le parc des Soeurs, sur la prairie au fond de la rue de la Source, à la ‘Jonquière'( ces prairies de la Jonquière ont cédé la place au lotissement nouveau.). Le cheptel comptera jusque 32 bovins, 1 cheval, quelques cochons et des animaux de basse-cour
En 1965, il y a trois magasins d’alimentation au Try d’Haies, ( chez Juliette rue du Calvaire, chez Thone rue du Village et chez Adelin Pierret rue Charon ), sans compter la boulangerie Coulon, quand Madame Quinzin ouvre sa boutique. Elle y propose le lait frais, les oeufs, le beurre et le fromage fabriqués dans la maison. Plus tard, dans les années 80′, elle débitera la salaison dans cette petite pièce de quelques mètres carrés à peine où les clients se serrent patiemment devant le comptoir.
Cette chaleureuse boutique éloignée de la rue est la seule sur les cinq qui ait résisté face à l’implantation des surfaces commerciales tout le long de la Chaussée de Philippeville.
Les journées sont longues à la ferme. Dès 5h00 du matin commence la besogne : les soins aux bêtes, la traite et les tournées avant l’ouverture du magasin. Sans compter toutes les tâches à l’extérieur : » Une prairie, ca se travaille, sinon, l’herbe est moins bonne et le lait est de moindre qualité ! » raconte madame Quinzin. Les saisons imposent aussi la cadence du travail : vers le mois de juin, c’est le gros travail des foins.
La ferme, ce n’est pas un métier, c’est toute une vie, au rythme des bêtes, au rythme des saisons. Et si on sait que c’est dimanche, c’est parce qu’il y a de la tarte sur la table.
Toute l’année, la ferme du Try d’Haies participe à la vie du quartier en se rendant disponible pour les activités festives. C’est d’ailleurs à la ferme que se retrouvent les Lovervalois pour un moment privilégié lors du vin chaud de Noël.
Les Quinzin deviennent propriétaires du bâtiment en Juin 97 et commencent les travaux de rénovation. Sans toucher à la silhouette de la bâtisse, on agrandi et rénove l’espace habitation. Une partie des étables est supprimée en raison d’une diminution volontaire du cheptel. La vieille toiture qui faisait tant pitié est remplacée et on procède au recouvrement de l’ingrate façade. Enfin, on déplace et inaugure une nouvelle boutique, plus vaste et qui propose un plus large assortiment de denrées.
Micheline Dufert et Francis Pourcel
Article publié dans le Petit Lovervalois de Janvier 2000.
Remerciements
Mesdames et Messieurs :
Marthe Charon, André et Gilberte Decamps, Anne-Marie Dandois, Cathy Quinzin, Eva Quinzin, Jean et Jeanne Wuillem, tous de Loverval.
©Micheline Dufert-2003