Loverval, à côté de Charleroi, septembre 2011. Une étrange pancarte m’intrigue à l’entrée du cimetière : Mademoiselle Louise Van de Walle y est enterrée, qui « rayonna dans Charleroi pour sa vie sainte ». Une tombe avec quelques ex-voto : Louise Van de Walle, 1864-1933, « apôtre du pays noir sous formes multiples »...
Non loin un petit monument au pied duquel, de part et d’autre sur deux rangées parallèles d’une dizaine de mètres, sont enterrés les Jésuites du Collège de Charleroi depuis un peu plus d’un siècle. Une soixantaine de noms, parfois quasi effacés. Certains anciens y retrouveront sans doute le nom de l'un ou l'autre de ceux qui furent leurs professeurs de jeunesse.
Pendant quelques années, ce nom de Louise Van de Walle restera pour moi celui d’une énigme jusqu’à ce que samedi dernier, je découvre, en arpentant les rayons de la boutique Oxfam de la chaussée de Philippeville, le petit livre d’un frère mariste consacré à la pieuse demoiselle. Je l’ai lu quasi d’une traite.
Louise Van de Walle est née dans une famille de « flamins » venus chercher de quoi vivre à Charleroi. Ses parents y seront notamment cafetiers. L’auteur ouvre son livre par une scène où quelque poivrot réclame au père que sa fille vienne chanter... Et la manchote (Louise n’avait qu’un bras à sa naissance) d’entonner l’Ave Maria de Schubert. « La voix nostalgique pénètre au fond des cœurs. »
Elle sera remarquée pour sa piété et sa vivacité intellectuelle, par ses institutrices et des religieuses, qui l’enverront, à 13 ans, au Pensionnat des Sœurs de Notre-Dame à Dison. Puis ce sera, pour devenir institutrice, l’École Normale des Sœurs de la Providence à Gosselies. Unique congrégation religieuse « Carolo », les Sœurs de la Providence furent fondées au 17ème siècle, à Gosselies par le curé, Jean Herbet, pour scolariser les pauvres. Les sœurs seront formées à Paris chez les Filles de la Providence fondée par Madame de Pollalion sous la direction de Saint Vincent de Paul.
Louise Van de Walle sera enseignante à l’école Normale jusqu’à la fin de sa carrière, fonction à laquelle s’ajoutera, à Marchienne-au-Pont, la direction de l’École Ménagère attenante à l’usine « La Providence ». Parmi le monde ouvrier peu christianisé, dans un contexte de guerre scolaire où il fallait une femme forte et têtue pour résister aux inspecteurs. Dans un paysage apocalyptique de hauts-fourneaux, laminoirs et mines aujourd’hui en déshérence. Voilà pour la vie professionnelle...
... Et il y a le reste : de multiples œuvres confirmées par les Jésuites qui l’accompagnent : soutien de jeunes-filles en difficulté (qu’elle logera parfois dans son petit appartement), apostolat auprès des gens du voyage et des forains où elle accompagnera de nombreux futurs baptisés, conférences pour les mères de familles ouvrières de Marchienne, accompagnement vers le sacerdoce de jeunes gens, notamment deux soldats, soutien de nombreux missionnaires (elle participait à la confection de leurs trousseaux)... Ses revenus y seront largement consacrés.
Quelques poèmes aussi.
Pour la part cachée de cette vie, ce fut celle d’une laïque célibataire (sans doute consacrée, mais selon des vœux privés) à la vie spirituelle profonde et intense. L’eucharistie tenait une place centrale, ainsi que les dévotions à Marie et au Sacré-Cœur. Elle avait choisi un appartement en face de la Chapelle des Jésuites, rue de Montignies, pour s’y recueillir tous les jours, y assister à deux messes le matin et communier. Son souci permanent et central : « sauver les âmes ». Mais comment comprendre cette expression ? Magiquement ? le baptême des forains et ouvriers leur ferait éviter les flammes de l’Enfer ? Ne s’agit-il pas plutôt d’aider à dégager le meilleur et le plus profond de ceux qu’elle servait et de les amener à Dieu ?
Le livre s’achève sur ses funérailles, le 2 mars 1933, suivies par une foule nombreuse et son inhumation au cimetière campagnard de Loverval, à proximité de plusieurs des Jésuites qui l’avaient accompagnée et y étaient également enterrés. « A sa demande, écrit le biographe, aucun discours ne fut prononcé. Jusque dans la mort, elle a voulu rester humble et effacée. » Un singulier tableau clôt la description, il pourrait résonner comme une clé révélatrice : autour de la tombe se tiennent des « congréganistes de la Sainte Vierge », des membres d’une ou plusieurs « Congrégations de la Sainte Vierge ». Ces congrégations mariales qui deviendront une trentaine d’années plus tard la Communauté de Vie Chrétienne... ? L’auteur du livre nous signale, ultime « détail » que « Mademoiselle Louise » était « préfète » d’une Congrégation de la Sainte Vierge au sein des forains et des gens du voyage, congrégation fondée par le père Tréca (mort le premier février 1917 : son nom est repris sur le petit monument proche autour duquel sont enterrés les Jésuites).
Le père Séverin, recteur du Collège du Sacré-Cœur, qui avait connu Louise Van de Walle, la décrit ainsi :
« Âme extatique, très unie à Notre Seigneur, essentiellement détachée des choses de la terre, ne vivant que pour le ciel. Modèle d’abandon jovial, d’acquiescement total à la volonté de Dieu. Âme de feu, dévorée d’un zèle immense. Elle se sentait fort esseulée et avait des désolations terribles, mais elle acceptait volontiers cet état d’âme. »