LES RUINES DES TEMPLIERS


"Allons donc aux Timplis", comme disaient les anciens, en branlant la tête, ceux-là mêmes qui racontaient de si curieuses histoires aux petites enfants, le soir, à la chandelle, quand la télévision n'existait pas.


Ainsi, cette légende qui évoque la "gatte d'or'", ou celle de la gardienne du trésor ou encore celle du Trou aux liards qui font penser au puits que des ouvriers auraient creusé au milieu des ruines dans l'espoir d'y trouver la fortune.

Le site attribué aux Templiers se situe dans le "Bois des Priesse" (ou du Prêtre, ou encore "Bois du Prince"), juste à la limite des anciennes communes de Loverval et Marcinelle. Avant la Révolution française, il se trouvait sur le territoire de la Principauté de Liège, comme le rappellent encore deux bornes datées de 1667, au pied de la colline. Une de ces bornes porte la figuration d'une croix monumentale avec le monogramme M.H. de l'Evèque de Liège, Maximilien-Henri (de Bavière)


Les ruines, telles que nous pouvons les voir, ont été fouillées et partiellement reconstituées par plusieurs équipes d'archéologues amateurs entre les années 1960 et 1980. Le chantier fut entrepris dès 1961 par Arnold BAUM qui publia le résultat de ses recherches dans "Archéos" (5 numéros parus). Il fut continué ensuite en 1974 par Roland HENSENS qui publia dans la revue du CHAM (CErcle d'Histoire et d'Archéologie de Marcinelle).


Comment ces ruines se présentent-elles à présent ?

Un mur de clôture de 150 mètres sur 75 environ englobe une chapelle romane et son annexe, une salle d'habitation avec cuisine, atelier, entrepôt, cave et escalier. Tous ces bâtiments furent incendiés et pillés. Des débris, on a retiré divers fragments de vaisselle qui furent patiemment reconstitués et se trouvent au musée communal de Marcinelle, des outils et armes en fer, des boucles et des bijoux en bronze, douze pièces de monnaie avec crois de Malte et ornements cabalistiques, un schiste vert manuscrit, plusieurs squelettes et une colonne torse en pierre provenant de la chapelle.

Les Templiers de Loverval ont-ils pour autant livré tous leurs secrets ? S'agit-il vraiment d'une commanderie, d'un simple ermitage ou d'une maladrerie de Templiers ? Nous manquons de documents écrits pour l'affirmer. C'était aussi l'avis de Monsieur Louis BERTAUX dans "Archéos N° 5" : "Il faudrait pousser plus loin les recherches d'archives" concluait-il, après avoir fait lui-même le point sur la question.



Le texte ci-dessus est extrait du livre "Loverval, terre des bois et des eaux"

(Ouvrage collectif écrit par ses habitants.) Publié en 1980.

L'ouvrage est épuisé, mais est consultable à la bibliothèque.



CONTESTATION D'UN RAPPORT DU CERCLE D'HISTOIRE DE MARCINELLE LE MYSTERE DES TEMPLIERS PERSISTE

(Le Soir - Mercredi 28 août 1991)


Contestation d'un rapport du cercle d'histoire de Marcinelle

Le mystère des Templiers persiste

La vérité historique ressemble parfois à une gifle. C'est un peu comme ça que les Templiers ont ressenti les conclusions archéologiques du cercle d'Histoire de Marcinelle qui rejetait catégoriquement l'hypothèse qu'ils avaient émise selon laquelle les ruines du même nom, perdues dans les bois de Loverval, auraient servi de relais ou de maladrerie aux frères de l'Ordre, à la fin du XIIIe siècle. Face à ce rejet, les «chevaliers» du Temple ont donc décidé d'engager ce que on pourrait qualifier de croisade contre le rapport de fouilles «hérétique»...

Petite parenthèse historique explicative avant de les suivre sur ce chemin délicat. Parmi les ordres militaires et religieux qui apparurent peu après la fondation du royaume de Jerusalem, celui du Temple - créé en 1118 par Hugues de Payens - s'était fixé pour objectif de protéger les pélerins qui se rendaient en Terre Sainte. Noble tâche pour les moines-chevaliers qui, assiégés par les Musulmans en 1291, furent battus et chassés du Proche-Orient.

De retour en France après un périple à Chypre et à Rhodes, les Templiers se virent intenter un procès par Philippe le Bel, inquiet de leurs richesses. Accusés en 1307 d'hérésie et de vice, ils furent condamnés à mort par le pape Clément V qui ordonna par la suite leur excommunication. C'est seulement au début du XIXe siècle que l'ordre retrouva une existence officielle, s'inspirant d'un esprit de chevalerie remis au goût du jour.

Cela posé, on notera que les conclusions du cercle d'Histoire de Marcinelle ne datent pas d'hier: Les ruines qui sont enfouies dans les bois, à la limite de la commune de Loverval, ne devraient leur nom qu'au folklore et à la tradition populaire. Les Templiers ont eu beau mastiquer et mâchonner cette vérité historique, que le rapport de fouilles leur a rappelée voici quelque temps déjà, ils n'arrivent pas à la digérer. Tout simplement parce que cette fois, l'Ordre, à qui on reproche souvent d'entretenir le mystère pour lui-même, reste étranger à l'énigme.

Voilà des années que ses membres s'évertuent à le répéter: pourquoi chercher midi à quatorze heures? Il existe bien trop de coïncidences pour réfuter le fait que les Templiers aient jamais occupé le site. Primo: le nom, que l'on doit à la tradition populaire.

Comme on le dit vulgairement, il n'y a pas de fumée sans feu. Deux: la présence d'une chapelle et la position stratégique des batiments, qui surplombent la route et la rivière. Un intérêt à la fois militaire et religieux? Ça colle... Trois: la situation géographique de l'ermitage, à mi-chemin entre la commanderie de Bertransart, à Gerpinnes, et l'église de Loverval où se rassemblaient les moines-chevaliers.

C'est tellement limpide qu'on a envie d'y croire; et par ailleurs, personne n'avait jusque-là contesté la théorie de façon aussi radicale.

Seconde raison qui vaut aux «archéologues» de Marcinelle d'être pointés du doigt: l'absence de preuves et une obstination à repousser l'hypothèse des Templiers. Une théorie qui, force est de le reconnaître, servait particulièrement bien le «génie» à facettes multiples des ancêtres et flattait dès lors l'orgueil de toute la descendance...

Et de poursuivre la critique: suppositions, lorsque le cercle d'Histoire avance que la légende est allée plus loin que la réalité; facile de dire que les accusations de vie dissolue et de sorcellerie, dont notre ordre fut taxé au XIVe siècle, se fixèrent à ces ruines mystérieuses à une époque où les sociétés secrètes étaient à la mode. Et tout cela pour conclure qu'il ne pourrait s'agir que d'un habitat rural ou d'une dépendance abatiale.

D'autre part, si le rapport archéologique se base sur certains documents datant de 1878, qui révèlent l'existence et la découverte du site bien avant 1961 - les fouilles ont commencé à cette époque -, il repousse en revanche les considérations de l'auteur, Clement Lyon, faisant référence à une occupation templière. Une conception assez personnelle du Moyen Age (qui se manifeste d'ailleurs d'un bout à l'autre des conclusions) pourrait se trouver à l'origine de ce choix, commentent les Templiers, qui, s'ils partagent toujours la même théorie que Clément Lyon, se gardent bien du «Romantisme» évoqué dans le rapport.

Quelle religion se faire dès lors? Les fouilles ont permis de retrouver une collection de monnaies frappées aux XIIe et XIIIes siècles ainsi que des ossements datant de la même époque. Mais le site garde son secret et la question de savoir qui l'occupa reste posée. Sachez enfin que lors de la journée du patrimoine, le 15 septembre prochain, des visites guidées des lieux (ils se trouvent sur les terres du centre de délassement) seront organisées.


De quoi se replonger dans ce qu'il serait convenu d'appeler... le mystère des Templiers.

DIDIER ALBIN



A quoi correspondent les ruines du XIIe siècle qui hantent les bois de Loverval?

(La Dernière Heure -  9 juillet 2001)


MARCINELLE

Il faut s'aventurer dans les bois pour trouver cet étrange ensemble de ruines, qui se situe à la limite entre les communes de Marcinelle (Charleroi) et Loverval (Gerpinnes). Car bien que ces bois soient sillonnés de nombre de chemins de promenade dépendant du Centre de délassement de Marcinelle, les ruines ne sont pas indiquées. Autant dire que seuls ceux qui les connaissent s'y rendent encore. Les enfants pour y trouver des émotions et du rêve, les parents pour se pencher avec perplexité sur les quelques pierres encore debout à cet endroit.

C'est que l'on se perd encore en conjectures quant à l'emploi de l'endroit. Situé sur un éperon rocheux, au bord d'un chemin séculaire longeant le ruisseau, l'endroit n'était pas mal situé. On y a par ailleurs retrouvé des gargouilles, des colonnes torsadées, des armes et... une plaque de schiste couverte d'inscriptions mystérieuses.

Deux légendes se rapportent à cet endroit. La première, la plus répandue, veut qu'il s'agisse d'un repère ou des templiers (ou des brigands se faisant passer pour tels) se réfugiaient après avoir commis les pires larcins dans la région. L'on dit même qu'il leur était courant d'enlever des jeunes filles, qu'ils séquestraient ensuite... C'est après l'un de ces rapts que les villageois se seraient soulevés et seraient montés à l'assaut du château qu'ils auraient détruit. Si la présence de templiers est attestée dans la région, une importante commanderie étant d'ailleurs installée à Bitronsart (aujourd'hui Bertransart) au bout du chemin qui passe à l'aplomb du pic rocheux, et si l'on sait le penchant des moines-soldats pour les choses de la vie, l'explication correspond mal à la disposition des lieux, avec son jardin, sa chapelle et ses cellules. Une autre légende veut que ce soit là qu'ait été enfermée un temps la mère de l'empereur Charlemagne, Jeanne de Castille, qui perdit la raison suite aux nombreuses incartades de son époux Philippe Le Beau. Elle fut baptisée Jeanne La Folle et fut enfermée aux Pays-Bas, en Espagne et peut-être donc dans le calme et le secret du Ry d'Haies.

Enfin, plus près de la vérité historique, il semble que les ruines de Loverval soient en définitive une obédience, c'est-à-dire une dépendance ou un relais de l'abbaye de Lobbes dont l'influence était forte dans les environs.

Une explication définitive et cartésienne paraît bien difficile, tant les ruines se sont dégradées et ont été pillées depuis un siècle et demi. Laissons alors libre cours à notre imagination, dans cet endroit par ailleurs fort beau, et imaginons la mère de l'empereur passer de longues après-midis au jardin, ou tremblons devant la fureur des habitants du lieu, las de voir leurs filles disparaître entre les mains des templiers.